Hugues Demeude Journaliste reporter, auteur-réalisateur


Le Portugal Du Ch�ne, Hachette, janvier 1998, 160 pages (Photographies de T. Perrin)

- Extrait de l'ouvrage - Introduction -

Patrie de navigateurs et de po�tes, de citadins affair�s et de ruraux attach�s � leur terre, le Portugal est un territoire aux dimensions r�duites qui a profond�ment marqu� l'histoire de l'humanit�.
Rectangle d'� peine 100 000 km2 autrefois pris en tenaille entre son puissant voisin la Castille toujours en qu�te d'annexion et l'oc�an infranchissable par del� lequel il n'y avait rien pour les uns ou tout au plus un monde de cr�atures effroyables pour les autres, le Portugal s'est donn� les moyens, depuis sa fen�tre maritime, de s'�lancer au XV�me si�cle vers un horizon qui allait sceller son destin et faire sa fortune. L'Afrique d'abord, puis les Indes, l'Ext�me Orient et l'Am�rique du Sud avec le Br�sil, ont �t� d�couvert par des navigateurs portugais au long cours qui ont rapport� de ces continents vers leur m�re patrie tout � la fois la richesse, la gloire et le ferment d'une nouvelle civilisation. Le c�l�bre po�te portugais Luis de Camoes �voque dans son grand po�me �pique de la seconde moiti� du XVI�me si�cle Les Luisiades le fabuleux voyage de Vasco de Gama entam� en 1497 et d�crit magistralement comment celui-ci a enrichi le monde de nouveaux mondes, et l'avenir de l'homme de nouvelles perspectives.
1997, l'ann�e pr�c�dant la grande exposition universelle de Lisbonne - Expo'98 - aura �t� une ann�e riche en comm�morations qui ont permis aussi bien de mettre en valeur la grandeur pass�e du Portugal que les racines de la conscience nationale collective portugaise. Cinq cents ans apr�s l'aventure de Vasco de Gama, qui sera du reste c�l�br� comme la grande r�f�rence de l'exposition universelle consacr�e aux oc�ans, cette ann�e 1997 aura �galement �t� la huit cent cinquanti�me apr�s la reconqu�te de Lisbonne sur les Maures par le jeune roi Afonso Henriques le 25 octobre 1147. Premier roi d'une patrie en devenir, Afonso Henriques a �t� en effet le premier � jeter les bases de la Nation et de l'Etat portugais. P�re de la patrie et fondateur du Portugal, le fils de Henri de Bourgogne et de Th�r�se (fille du roi de Leon-Castille Alphonse VI) fut donc le premier roi d'un royaume qui allait compter quatre dynasties : la dynastie des Bourgogne, celle des Avis, celle des trois Philippes, et enfin celle des Bragance. Au total, 34 souverains gouvern�rent ce petit pays plein de ressources jusqu'en 1910, date � laquelle un coup de force obligea le jeune Manuel II � s'exiler, et permis � la R�publique d'�tre proclam�e.
Chacune de ces dynasties contribua � enrichir le royaume de constructions fabuleuses dans leur genre, qu'il s'agisse de temples consacr�s � la gloire d'un Dieu r�v�r� ou de palais somptueux qui devaient satisfaire une cour raffin�e et exigente. L'ancienne cath�drale de Lisbonne et celle de Coimbra qui depuis le XII�me si�cle produisent la m�me sensation vertigineuse de puissance et de majest� m�l�es, le monast�re d'Alcoba�a qui traduit la captivante aust�rit� des cisterciens, le monast�re de Batalha qui symbolise � lui seul l'ind�pendance national, ou encore le couvent du Christ de Tomar encore plein de l'esprit des Templiers, sont autant de curiosit�s architecturales qui refl�tent la haute tenue spirituelle et la profonde pi�t� de tout un peuple. De m�me, le palais de Queluz aux allures de Versailles, ou celui de Sintra qui fut la r�sidence royale d'�t� des rois du Portugal jusqu'� la fin du XVI� si�cle, ou encore le palais de Pena qui associe avec maestria donjon gothique, minarets arabes, fen�tres et clo�tre manu�lins et retable renaissance, sont les traces vivantes d'un art de vivre raffin�, d'un luxe apprivois�. Le style baroque, qui na�t et prend de l'ampleur au XVIII�me si�cle, est du reste si typiquement portugais qu'il foisonne au coeur de multiples constructions, au sein de nombreux d�cors � partir de cette �poque.

Apr�s neuf si�cles de farouche ind�pendance et de construction nationale autour de valeurs communes � partir d'une langue cristalline, le Portugal est aujourd'hui pr�sent� comme un mod�le de transformation �conomique et sociale moderne et dynamique. Un mod�le dont les protagonistes tentent avec fiert� de combiner les avantages de la croissance �conomique avec le respect des valeurs traditionnelles tr�s enracin�es qui touche la famille, le travail et l'amiti�, et l'inclinaison au sacr� intimement v�cue par tout un chacun.
Cet �tat d'esprit particulier qui caract�rise les portugais doit �tre saisi � l'aune de la g�ographie et des paysages qui composent ce pays tout en relief. De vocation maritime, le Portugal est loin de n'�tre qu'un littoral, m�me si les grandes villes de la fen�tre atlantique qui constitue ce territoire se sont souvent d�velopp�es au d�triment du peuplement de l'espace rural.
A l'int�rieur des trois zones climatiques essentielles sur lesquelles se r�partissent les paysages et les diff�rents types de v�g�tation ( le Nord-Est continental, le Nord-Ouest atlantique et le Sud m�diterran�en ), la population portugaise s'est diss�min�e et a pollinis�, dans le relief de cette terre qu'elle a fait sienne, aussi bien un savoir faire qu'un syst�me de valeurs complexe. Que l'on arpente le Tras-os-Mont�s et le Minho au Nord du pays, ou les Beiras au centre, que l'on sillonne l'Estremadoure ou le Ribatejo au dessus du noble fleuve Tage, ou l'Alentejo, au dessous de ce fleuve, ou bien encore l'Algarve tout au Sud du pays, la langue qui est parl�e est toujours le m�me portugais mais les comportements, les aspirations et les modes de vie sont toujours propres � la terre nourrici�re qui a vu na�tre ses enfants.
Reste qu'une ind�niable force int�rieure teint�e de noblesse les rassemble, qu'ils soient citadins ou ruraux. Il est d'ailleurs ais�ment possible d'en prendre la mesure non seulement dans la travers�e du pays mais aussi dans le cadre de promenades urbaines. Le relief de Lisbonne, de Porto ou Coimbra, qu'il faut gravir, arpenter, contourner ou absorber, contribue par lui m�me � fa�onner � la fois un �tat d'esprit empreint d'exigence, de dynamisme et d'endurance, et � aiguiser un regard sensible, riche de sentiments et de po�sie, du fait de la multiplication des angles de vues que ce relief favorise. Chaque promenade est propice � lancer son regard en le plongeant vers le lointain depuis le haut d'une rue, sur la derni�re marche d'un escalier s�v�re ou encore depuis une esplanade au croisement de ruelles montantes et descendantes. Chaque d�ambulation rassemble une part importante de visions furtives mais n�anmoins imp�rissables, d'�motions inattendues quoique toujours imminentes.
A la fois terriblement sensible, rude et digne, le portugais saura vous d�sarmer et vous attendrir, tout comme le portugal vous conqu�rir.

Hugues Demeude