Hugues Demeude Journaliste reporter, auteur-réalisateur


Le Maroc (Du Ch�ne, collection Grands voyageurs, janvier 1997 Photographies de X. Richer)

- Extrait de l'ouvrage - Introduction -

Terre de l�gendes, v�ritable creuset de civilisation, le royaume du Maroc n'en finit pas de cultiver son myst�re. Foyer vivant d'une culture m�tiss�e o� les multiples traditions surmontent aussi bien les apports positifs que les m�faits de la modernit�, le monde marocain d�voile des richesses �tonnantes � qui veut s'initier � ses beaut�s. Peut-�tre plus qu'ailleurs dans ce pays aux situations g�ographiques et g�ologiques majestueuses, fort de tous les paysages possibles, l'�nigme de la vie a fa�onn� les esprits.

Des plages blondes de l'Atlantique et des c�tes escarp�es de la M�diterran�e aux montagnes arides et enneig�es o� tr�nent des sommets � plus de 4000 m des for�ts de c�dres aux vastes horizons sableux, le Maroc ravit le voyageur par la beaut� de ses sites et de ses paysages. Mais aussi et peut-�tre plus encore, les qualit�s que ce pays pr�serve avec fiert� sont de coeur et d'esprit : associ� � ce monde qui manifeste un �nigmatique prodige, le peuple marocain, qu'il soit indiff�remment arabe, berb�re ou saharien, semble en osmose avec la nature, et comme elle, manifeste sans compter sa g�n�rosit�. D'ailleurs, la religion musulmane, qui encadre et oriente dans les moindres nuances depuis pr�s de douze si�cles l'histoire de ce royaume ch�rifien, s'est d�velopp�e et perp�tu�e tout naturellement sur cette terre b�nie : le myst�re de ce monde prodigieux n'est-il pas l'empreinte de la perfection divine?

Que de tr�sors sont en effet � d�couvrir dans cette mosa�que de paysages! Depuis la fondation du premier royaume islamique fond� au VIII�me si�cle par Idriss 1er en provenance d'Orient, que de traces y a t-il �galement � poursuivre pour comprendre l'ampleur et l'importance d'une histoire mouvement�e, pleine de vitalit� et de cr�ativit�, �crite par tout juste 6 dynasties! Enfin, que de rencontres et de moments chaleureux y a t-il � vivre pour saisir l'�me de ce peuple humble et passionn�!...
Le Maghreb El Asqa - le pays de l'extr�me occident - tel que le surnom�rent les g�ographes musulmans venus d'Orient, frappe l'esprit par le contraste de ses paysages tant�t accident�s, tant�t tendus � l'horizon. Au centre du Maroc r�gnent les hautes montagnes du Haut et du Moyen Atlas, qui lancent vers le ciel des massifs imposants et �lev�s. Le djebel Toubkal tr�ne � 4167 m et permet aux skieurs de pratiquer leur passion sur les pistes de Ouka�meden. Plus au Nord-Est, le djebel Ayachi pr�s du cirque de Jaffar maintient ses cimes � 3737 m. Au Nord, surplombant la M�diterran�e, la cha�ne rifaine forme un croissant montagneux l�gendaire, o� le djebel Tidirhine culmine � 2456 m, tandis qu'au Sud, l'aust�re plateau de l'Anti-Atlas fait face au Sahara. Ces montagnes magiques, de par leurs neiges et leurs eaux, permettent d'irriguer gr�ce � de nombreux 'oueds' le versant atlantique qui s'�tire sur pr�s de 2500 kms, le versant m�diterran�en long de plus de 500 kms, et dans une moindre mesure un immense versant saharien. Arrose d'une fa�on remarquable tant il est vrai que la terre marocaine est g�n�reuse avec ses habitants. Bois et for�ts de c�dres et de ch�nes, arganiers, oliviers, palmiers, orangers, amandiers, vignes, ma�s, orges, bl�, henn�, ou encore un grand nombre de l�gumes, rythment selon les saisons la vocation agricole du Maroc. Par sa pr�sence et sa situation g�ographique, par ses ressources hydrologiques et les bienfaits qu'il dispense, l'Atlas impose donc coh�rence et unit� au Maroc.
Unit� g�ographique sur laquelle se fond une histoire ancestrale marqu�e par la pr�sence berb�re, puis successivement par la venue des ph�niciens, des romains, des vandales et des byzantins. Paysages �blou�ssants que rencontre en 682, de fa�on d�terminante pour la formation de la nation marocaine, l'arm�e d'arabes musulmans de Oqba Ben Nafi qui porte � l'extr�me Occident avec la parole du proph�te Mahomet, le message de l'Islam. Un si�cle plus tard, Idriss Ben Abdallah - descendant de Ali, le gendre du proph�te - trouve asile sur cette terre b�nie, devient le premier sultan du royaume islamique du Maghreb El Asqa et favorise l'essor de la religion musulmane qui va vite devenir le socle et la vo�te de l'unit� marocaine. D�s lors, les nobles descendants du proph�te, qui fond�rent les dynasties Idrissides, Saadiennes, et Alaouites, ainsi que les puissantes aristocraties berb�res, repr�sent�es par les dynasties Almoravides, Almohades et M�rinides, vont donner naissance et d�velopper, '� la gloire de Dieu', une culture, une architecture, un artisanat, un art de vivre tout � la fois authentique et sp�cifique. L'Islam, qui a soud� si intens�ment durant toute son histoire les diff�rentes composantes du peuple marocain, est profond�ment tol�rant, ouvert et bienveillant. Il suffit, pour s'en rendre compte, de se frotter � la chaleur, � l'hospitalit� et la simplicit�, dont t�moignent � longueur de journ�e l'architecte de Casablanca, l'orf�vre de Chefchaouen, le p�cheur d'Essaouira, le berger berb�re du Haut-Atlas, la responsable d'h�tel de Marrakech, la femme Touareg du Sahara... Comme le rappelle le roi Hassan II dans son livre 'le D�fi' : "Le Maroc ressemble � un arbre dont les racines nourrici�res plongent profond�ment dans la terre d'Afrique et qui respire gr�ce � son feuillage bruissant aux vents d'Europe".

Marrakech
Capitale du Sud marocain, Marrakech est un joyau qui repose dans un �crin. Allong�e sur la plaine du Haouz, entourr�e de palmeraies verdoyantes, Marrakech est une perle rouge au dessus de laquelle se dresse les cimes enneig�es du majestueux Atlas. D�s l'abord, en arrivant du Nord, la magie des lieux op�re. En approchant de l'illustre cit�, alors que le paysage est plat, �tendu et sec, les montagnes du Haut Atlas se d�voilent dans toute leur grandeur : immenses, massives, abruptes, elles paraissent inaccessibles. Puis, comme pour saluer le voyageur et lui signifier une promesse de bonheur, des palmeraies �talent leurs bouquets de feuilles vertes et penn�es. Apr�s la travers�e de l'oued Tensift, premi�re porte de Marrakech, la ville appara�t comme drap�e d'un rouge orang�e. Eblouissante couleur ocre qui fait sentir d'instinct la pr�sence d'un d�sert peu lointain. Cette impression d'accoster dans une oasis aux portes d'un monde diff�rent de celui du Nord du Maroc, plus sec, au climat plus rigoureux, est renforc�e par la chaleur de l'atmosph�re. Marrakech est une ville chaude, �nergique, agit�e.
Constituant le principal trait d'union entre l'ancienne ville, avec sa grande m�dina, sa fameuse place Jemma el Fna, sa Kasba et ses palais, et la nouvelle ville, repr�sent�e par le quartier du Gu�liz, la longue avenue Mohamed V vibre du matin au soir. Elle donne un bon avant go�t de la myst�rieuse �nergie qui se d�gage de Marrakech. D'abord, en tant que lieu de passage, cette avenue dra�ne une foule de voitures, de mobylettes, de v�los et de cal�ches si typiques, qui se croisent et se faufilent. Ensuite, en tant que lieu de rencontres, elle est le rendez-vous d'une jeunesse fortement tourn�e vers les mod�les occidentaux. Les jeunes femmes et les jeunes hommes qui se retrouvent entre la place du 16 novembre et la place Abd el Moumin Benali, discutent librement, se charment mutuellement, s'octroyant des licences avec les moeurs musulmanes qui d�fend � la femme digne ce genre d'exibition. Ces jeunes aventuri�res en promenade, v�tue � la mode occidentale, donnent l'occasion d'appr�cier la beaut� sensuelle, �tourdissante, des femmes de Marrakech. 'La gazelle', comme elle est surnomm�e depuis bien longtemps, a un visage oval, oblong, qui laisse percer un regard en amande. Soulign� par un sourcil �pais sans �tre massif, l'oeil est rond, gros et noir. Les regards de ces yeux p�n�trants et fiers sont comme des �clairs : furtifs, brefs et intenses. Le nez fin, parfois busqu�, est signe de caract�re sur une face � la peau cuivr�e. Les paumettes, souples et saillantes, lib�rent naturellement un large sourire qui d�couvre une couronne blanche et saine. Les l�vres, bien dessin�es et pulpeuses, sont couleurs de velour. Une chevelure de jais, volumineuse et ondoyante, vient contourner le visage comme une vague, en fin de course, entoure le rocher pos� sur le sable.
Ce sentiment d'une �nergie orientale, sensuelle, capiteuse, est renforc�e quand on remonte l'avenue Mohamed v pour atteindre la place Jemaa el Fna. Tout converge vers cette place qui est le centre humain de Marrakech, son coeur palpitant. Ouverte sur un ciel bienveillant, Jemaa el Fna offre de multiples visages selon les diff�rents moments de la journ�e. A l'heure du coucher de soleil, apr�s 17h, elle est particuli�rement �mouvante. Depuis une des terrasses du troisi�me �tage d'un des h�tels-restaurants, qui font aussi caf�, on peut assister � ce spectacle qui embrase le ciel et la ville de mille feux. Les brises de l'Atlas, qui marque une fronti�re nette et imposante avec son au-del�, raffraichissent le fond de l'air de la ville basse. Peu �lev�e, la ville ocre se laisse contempler � l'horizon depuis cet observatoire que constitue la terrasse. Seuls les minarets des mosqu�es s'�lancent au dessus des riads - les maisons cubiques marocaines traditionnelles, ouvertes en leur centre sur une cour - permettant au regard de mesurer la profondeur de la cit�. A premi�re vue, on en d�nombre une dizaine de style assez diff�rent. La Koutoubia, la c�l�bre mosqu�e almohade �rig�e en 1158, joyau de l'art hispano-mauresque, tr�ne en se dressant � l'ouest de la place. C'est d'ailleurs vers cette mosqu�e que l'on regarde, depuis Jemma el Fna, le soleil de coucher. Au moment o� celui-ci commence � d�cliner, la place s'emplit peu � peu jusqu'� devenir grouillante. Des groupes d'individus se r�unissent en cercle autour de musiciens, de danseurs et de marchands. Ces cercles, qui regroupent entre cinquante et cent personnes, semblent �tonnament statiques et attentionn�s par rapport au mouvement cr�� par le flux d'individus qui circulent. Pi�tons, v�los, mobylettes, charettes et petits taxis, allant ou d�bouchant de la m�dina dont Jemaa el Fna est l'excroissance, impriment � la vie de la place une cadence soutenue. Des bruits de trompettes, de tambourins, des cloches de porteurs d'eau, de piaillements d'oiseaux, de transistors, de klaxons, de frappements de mains, font de l'espace sonore un tintamarre ber�ant et envoutant. L'or�e des souks de la m�dina borde la place, et les nombreux vendeurs de jus d'orange forment une fronti�re entre deux parties distinctes de celle-ci. Vers 17h15, le soleil forme autour de lui un halot jaune orang� tr�s brillant, et une lumi�re rasante commence � faire de la ville aux toits plats une masse qui dispara�t dans l'obscurit�. Signal de la nuit qui s'annonce, les premi�res lampes �lectriques ou � p�trole font leur apparition. Le bleu du ciel est doucement mang� par des brumes rosissantes et jaunes. Le soleil appara�t comme une �norme boule de feu qui plonge � vue d'oeil. Quelques nuages �vanescents dessinent dans le ciel des arabesques soyeuses, permettant d'appr�cier, de fa�on accentu�e, la d�clinaison des teintes, l'intensit� des tons. La clart� lumineuse des tons chauds brille encore quelques instants avant d'�tre att�nu�e, puis englob�e par l'obscurit� qui par un double mouvement, monte de la terre avec une couleur de temp�te de sable, et descend du ciel avec toute sa noirceur nocturne. Les �toiles reprennent alors leur r�le de vigilantes vigies.
A la nuit tomb�e, dans la partie Ouest de Jemaa el Fna, celle o� le quartier principal de la Police Judiciaire garde un oeil s�v�re sur le comportement des faux guides - jeunes hommes sans travail qui proposent de faire visiter la m�dina moyennant finance -, plusieurs couloirs de gargotiers s'installent. Ils proposent des plats vari�s � qui veut se restaurer : du couscous, des viandes grill�es, des salades de l�gumes vari�es, du 'harira', des l�gumes et du poisson frits... Ces restaurateurs mobiles animent l'heure du d�ner par leur pr�sence s�duisante, pendant que tout autour des groupes vaquent � leurs occupations. Par exemple, des musiciens traditionnels, ceux dont la voix chant�e s'associent �troitement au geste de danse, �voquent diff�rents th�mes proches de la culture berb�re qui sont bien compris et appr�ci�s par les marrakchi de la m�dina, pour la plupart berb�res. A c�t�, des saltimbanques perp�tuent l'esprit des 'gnaoua', les troubadours publics experts en possession rituelle, membres d'une confr�rie religieuse issue d'anciens esclaves noirs soudanais. Des diseuses de bonne aventure, des commer�ants en rem�des de la vall�e de l'Orika ou du d�sert saharien, des charmeurs de serpents, des marchands d'eau, accentuent l'aspect communautaire de cette cour des miracles. Jemaa el Fna est la place qui rassemble, celle qui permet d'�tre un avec tous. Lieu d'�changes et de possibles, elle est comme la salle de r�union de cette grande famille que compose la m�dina.
Au matin, alors qu'il fait d�j� chaud, la place chance de visage et se transforme en march�. Elle pr�pare, comme par glissement, � la vie anim�e des souks. Vastes, denses, organis�s avec soin et pr�cision, les souks de Marrakech m�ritent leur r�putation et leur parfum de l�gendes. P�n�trer dans le souk revient � faire, � la mani�re d'un rite de passage, une travers�e inou�e. Formant une masse compacte et ordonn�e, des successions d'�choppes, aux bords de ruelles longues et sinueuses, se regroupent par corps de m�tiers et par sp�cialit�s. Les artisans du textile pr�sentent des djellabas color�es, des voiles et des tissus drap�s, des cafetans et des robes bariol�s ou en cama�eu. La lumi�re si particuli�re, douce et tamis�e, qui passe � travers des plafonds faits de treillages en bois et roseaux, �claire � chaque instant des sc�nes riches de sensations nouvelles. Les artisans du bois proposent de superbes objets sculpt�s dans du c�dre, des racines de tuilla, dans du noyer et de l'olivier. Dans leurs boutiques sans vitrine, ils font la d�monstration de leur habilet� et de leur ing�niosit� en taillant, sculptant et ciselant aux vues de tous. Plus loin, le souk des maroquiniers et celui des babouchiers sont l'occasion de regarder poufs et coussins orientaux, sacs et babouches aux vives couleurs, selles et harnachement traditionnels. Une odeur de cuir semble s'�tre empar� depuis toujours de ces quartiers. Ailleurs, les orf�vres et les travailleurs du m�tal perp�tuent un artisanat mill�naire, � la fois fluide et rythm� dans la fantaisie des formes arabesques, rigoureux et structur� dans la composition des motifs. Le souk aux tapis renforce ce sentiment qui �mane de l'artisanat marocain : �tal�s sur des devantures, sur des murs ou bien allong�s au sol, ces tapis de divers horizons font rayonner � travers des motifs qui ne laissent rien au hasard une polychromie aux tons chauds et aux teintes vives. L'artisanat marocain, fleuron de l'art islamique, semble chercher l'�quilibre dans la composition pour mieux devenir un reflet paisible du spirituel dans le temporel. Dans ces codes esth�tiques, dans ce patrimoine de sagesse, c'est tout un art de vivre qui s'exprime. Ainsi, l'accueil hospitalier, g�n�reux de la plupart des artisans du souk, qui sont des commer�ants hors pair, est en concordance avec cette aspiration � bien �tre au monde, avec ce d�sir d'harmonie contenus dans la beaut� des produits de l'artisanat.
La vie dans la m�dina prouve que cet art de vivre ne manque pas de gait�. Dans le cadre d'une superbe enceinte � la chaude couleur de l'argile, les diff�rents allers et venues continuels, bourdonnements incessants, remues-m�nages familiers dans les 'riads', ces maisons traditionnelles � cour centrale, comme dans les ruelles tr�s emprunt�es, font de la m�dina un foyer vivant et f�cond. Les populations berb�re, issue des montagnes de l'Atlas, et saharienne se c�toient fraternellement, et toutes les classes sociales sont repr�sent�es. Unie par un m�me chant de louanges � la gloire de Dieu, les multiples habitants de la ville semblent b�n�ficier de la 'baraka' (la destin�e favorable) que diffusent les sept Saints patrons de Marrakech. Le p�lerinage sur les tombeaux de ces Saints v�n�r�s reste d'ailleurs un parcours symboliquement fort. Ce profond attachement � l'Islam a �t� favoris� par les dynasties successives de Marrakech, qui ont fait �riger des mosqu�es et des m�dersas, les �coles coraniques. Ainsi, la tribu berb�re Almohade, venue du Haut Atlas, qui supplanta la dynastie des Almoravides au milieu du XII�me si�cle, a fait de Marrakech le coeur d'un royaume anim� d'une grande ferveur religieuse. La mosqu�e de la Koutoubia, qui r�gne encore sur la ville du haut de ses soixante dix m�tres, est certainement le chef d'oeuvre le plus repr�sentatif de la grande pi�t� et du raffinement extr�me de ces sultans almohades. Visible depuis de nombreux endroits de Marrakech, c'est la mosqu�e phare de la ville, celle qui est la plus regard�e par les habitants de la m�dina comme ceux de la ville nouvelle. Premier exemple d'art hispano-mauresque, la Koutoubia, appel�e 'mosqu�e des libraires' en raison des anciens souks aux manuscrits qui �taient devant ses murs, �voque l'�l�vation et la majest�. Elanc�, harmonieux, le minaret est couvert d'entrelacs en relief et d'ornements peints. Les arabesques rythm�es, les entrelacs losang�s, les mosa�ques de fa�ences qui r�fl�chissent la lumi�re, permettent de faire danser le regard de fa�on myst�rieuse. Fort de ses nombreuses colonnes distribu�es dans l'espace, de ses larges coupoles et ses arcs tr�fl� d'inspiration andalouse, la Koutoubia est majestueusement robuste.

Au Nord de la grande mosqu�e, les quartiers de la Kasba se d�ploient autour des tombeaux Saadiens, du Palais el Badi, et du Dar el Makhzen, le vaste palais royal. Les tombeaux ont �t�, � partir de 1557, les n�cropoles des sultans Saadiens. Ils rappellent l'influence de cette dynastie ch�rifienne qui r�gna pendant deux si�cles, � une �poque b�n�fique et prosp�re pour Marrakech. Preuve en ruine mais vivante de ces p�riodes fastes, le Palais el Badi fait imaginer une construction sublime. En 1578, le grand sultan Saadien Moulay Ahmed el Mansour, qui venait de remporter une importante bataille sur les portugais, d�cida de se faire un construire un merveilleux palais de r�ception. Ce monument, dont il ne reste plus que les vestiges apr�s que le sultan alaou�te Moulay Isma�l ait ordonn� de le d�monter, devait �tre une composition resplendissante de marbres blancs, de mosa�ques color�es, de stuc, de bois pr�cieux et d'or. La beaut� mythique de ce lieu est aujourd'hui le th��tre du festival annuel du folklore marocain. A une rue du Palais s'�tend le mellah, l'ancien quartier juif fond� par les Saadiens en 1557 et qui devint vite le plus important mellah du Maroc. Le souk des l�gumes, des fruits secs et des �pices est encore un point de convergence important dans ce quartier maintenant pauvre et peupl� de musulmans. Pr�s du march�, le cimeti�re juif est un territoire de silence, o� la blancheur des s�pultures suspend le vol du temps.
Dans la ville nouvelle, les quatre jardins de la M�nara, de Majorelle, de l'Agdal, et ceux plus priv�e de la Palmeraie, sont autant d'oasis de fra�cheur id�ales pour se reposer et se soustraire aux feux du soleil. La M�nara, � la fronti�re Ouest de la ville, rassemble un ensemble de jardins d'oliviers dans le cadre d'une enceinte de plus d'un kilom�tre sur pr�s d'un kilom�tre. Au centre de ces innombrables rang�e d'oliviers, un large bassin de r�ception des eaux issues du Haut Atlas est � la fois le th��tre de promenades distrayantes, le lieu de m�moire ou de contemplation, et le symbole d'une relation intime, imm�moriale et sacr�e entre les marrackchi et l'eau. Pr�s de ce bassin du XII�me si�cle am�nag� par les Almohades, un vieux pavillon de campagne est comme en conversation avec la majestueuse barri�re montagneuse qui le domine.

Hugues Demeude