Transglobal (juin 2000)
�ducation sans fronti�res, agir local penser global.
Cr��e en 1990, l'association �ducation sans fronti�res
a pour vocation de venir en aide aux enfants en r�alisant des actions
� but �ducatif, culturel et humanitaire concernant des �tablissements
d'enseignement. Apr�s une trentaine de missions d'acheminement de mat�riel
effectu�es dans le monde entier depuis ses origines, l'association poursuit
ses actions en Roumanie et au Kosovo, qui repr�sentent les deux principaux
programmes de soutien et de r�habilitation, mais aussi au B�nin, au Mali,
et en Inde aupr�s des r�fugi�s tib�tains.
" Il est fondamental d'�tre au plus pr�s des besoins des personnes que
nous essayons d'aider. Par exemple, nous avons organis� une collecte de
lunettes pour les r�fugi�s tib�tains et nous avons fait en sorte, gr�ce
� un membre de notre bureau qui a pass� un an sur place, de d�monter chaque
paire et de tailler les verres avec l'aide d'un sp�cialiste pour qu'ils
soient bien adapt�s � la vue de chaque enfant " pr�cise Annick Petitjean,
vice-pr�sidente de l'association �ducation sans fronti�res. La particularit�
de l'association r�side notamment dans le fait que le soutien � l'�ducation
ne s'arr�te pas � l'envoi de livres, de manuels scolaires et de papier
pour �crire. " Nos missions sont avant tout humanitaires, dans le sens
o� c'est bien beau de donner de la nourriture intellectuelle aux m�mes,
mais il leur faut avant tout de quoi manger, s'habiller et dormir " rappelle
Annick qui, � la retraite de l'enseignement, vit l'humanitaire comme un
sacerdoce. Aux origines de l'association, il y a la passion d'un couple
pour un pays : la Roumanie. " Mon mari et moi m�me connaissions la Roumanie
depuis 1969. Tout naturellement, au moment de la r�volution roumaine en
1989, nous nous sommes dits qu'il fallait faire quelque chose. Il y a
eu une mobilisation particuli�re � Cergy, la ville o� nous habitons, pour
faire partir des camions. On a d'abord particip� � ce mouvement de soutien,
puis nous nous sommes r�unis entre amis et nous avons d�cid� de fonder
l'association. Comme nous �tions tous les huit tourn�s vers l'enseignement,
nous avons choisi d'embl�e d'apporter notre contribution dans l'�ducatif
et le culturel ". Des actions sont entreprises au S�n�gal, au Mali, au
B�nin � travers l'envoi de livres scolaires � destination d'enfants francophones.
Puis rapidement l'association s'implique davantage dans des situations
durablement d�grad�es. En d�cembre 1995 apr�s les accords de Dayton, la
responsable de l'organisation P�lican propose � Annick d'accompagner un
convoi en Croatie et en Bosnie. Une mission difficile. Les quatre camions
restent bloqu�s deux jours � la fronti�re de la Bosnie. " Le convoi a
�t� ralenti mais nous avons fait ce que nous voulions, � savoir distribuer
du mat�riel dans un camp de Croatie, dans une �cole de Krajna, et dans
des villages autour de Sarajevo. " Dans ces distributions peu importe
l'ethnie, la confession ou l'appartenance � un quelconque groupe des enfants.
�ducation sans fronti�res intervient pour venir en aide � tous les enfants
qui en ont besoin. " Quand je pars en mission humanitaire, je ou plut�t
nous, c'est � dire chaque membre de l'association, ne partons pas en disant
que nous allons donner � telle personne en mettant telle autre sur la
touche. Si du mat�riel tombe du camion et qu'il profite � un enfant d�muni
je ne vois pas o� est le probl�me. C'est ce que j'appelle l'�cum�nisme
de la mission humanitaire. C'est notre philosophie : nous sommes ouverts
� tous. "
Une d�termination � toute �preuve
Les r�centes missions au Kosovo sont � cet �gard exemplaires. Tout
juste de retour d'une action men�e en Roumanie en mai 1999, Annick �voque
aupr�s des membres du bureau de l'association la possibilit� d'engager
un programme pour les enfants du Kosovo. Aussit�t dit aussit�t fait. Le
maire de Cergy est interpell�, r�agit positivement, et une campagne de
collectes est organis�e sous la banni�re " un enfant de Cergy pour un
enfant du Kosovo ". Dans les �coles, les supermarch�s et les maisons de
quartier, les habitants de la ville font preuve de solidarit�s et permettent
de rassembler pr�s de 50 m3 de v�tements, mat�riels scolaires, jouets
et friandises. " Pour notre association il est vraiment tr�s important
d'accompagner l'�lan de solidarit� depuis l'organisation de la collecte
jusqu'� la distribution individuelle " souligne Annick. Dans ce cas pr�cis,
le mat�riel devait �tre achemin� dans un camp de r�fugi�s kosovars � Korc�
en Albanie. Comme pour chaque mission se pose alors le probl�me du moyen
de transport. " Pour une telle cargaison, nous avions besoin d'un 13 tonnes
et de deux 3,5 tonnes, dont l'un pour servir d'appui logistique, de lieu
de vie... ". L'association parvient � se faire pr�ter les v�hicules, et
� r�unir les 60 000 francs n�cessaires pour mener � bien une telle exp�dition.
Car malgr� le b�n�volat des membres de l'association, et l'obtention de
la gratuit� pour rouler sur les autoroutes fran�aises et italiennes, les
frais de carburant et le co�t pour assurer les v�hicules constituent un
budget cons�quent. Le co�t de l'assurance est m�me un frein � la prolongation
de chaque mission. En effet, chaque camion du convoi est assur� 14 jours
pour un montant de 1 500 francs. Au del� de ces deux semaines, et m�me
pour un seul jour de plus, le co�t de l'assurance est multipli� par trois.
Pour des raisons d'�conomie, aucune des missions de l'association qui
n�cessite la distribution par camion ne d�passe donc ces 14 jours. Compte
tenu de la longueur des d�placements, c'est une dur�e qui est loin d'�tre
excessive. Ainsi, pour rallier Korc�, il a fallu passer par Lyon , traverser
les Alpes par le tunnel du Fr�jus, descendre l'Italie jusqu'� Barri, prendre
le bateau pour Igoumenica en Gr�ce et remonter sur l'Albanie. C'est en
arrivant en Albanie que les membres du convoi apprennent que les frappes
de l'Otan venaient de cesser. R�sultat : quand ils arrivent sur le camp,
il ne restait que 20 familles sur les 20 000 personnes auxquelles devait
s'adresser le soutien mat�riel. Ils consid�rent alors qu'il n'y a pas
d'autre alternative que de suivre les Kosovars sur le chemin du retour.
L'�cole comme havre de paix
" Nous n'avions que 350 km � faire pour traverser l'Albanie en direction
du Kosovo, mais cela a repr�sent� un vrai p�riple. Je connais bien les
pistes africaines pour avoir v�cu en Afrique, et bien ce sont de v�ritables
autoroutes en comparaison des chauss�es albanaises. On a mis par exemple
trois heures pour faire 18 km � la sortie de Tirana juste � cause de l'�tat
calamiteux de la route ". Mais les huit membres de l'association parviennent
� Prizren sans encombre. " La ville d�bordait d'activit�s et il semblait
que ce n'�tait pas ici que nous avions besoin de nous. Que devions nous
alors faire ? Nous avons pris des renseignements et nous nous sommes dirig�s
vers Landovice, un village situ� � 12 km de Prizren. On a vu des choses
indicibles : des maisons d�truites, br�l�es, pass�es au lance flamme...
C'est l� que nous avons d�cid� de nous arr�ter, et d'engager la distribution
par famille. " Dans ce village d'environ 1 000 personnes, les pr�occupations
des membres de l'�quipe convergent vers l'�cole au 250 �l�ves. Une fois
la distribution achev�e, l'association engage la r�habilitation de l'�cole.
Des relations tr�s fortes se nouent avec certains enfants et Annick d�cide
de revenir pour que l'�cole soit pr�te pour la rentr�e scolaire. En quelques
semaines, les membres de l'association collectent et rapportent � Landovice
du d�tergent et de la peinture pour r�nover l'�cole, ainsi que du mat�riel
scolaire lourd comme des bureaux, des tables, des chaises, des t�l�visions
et magn�toscopes afin d'am�liorer les conditions de la rentr�e scolaire.
Un autre village situ� � quelques kilom�tres manifeste alors par le biais
de ses repr�sentants le souhait d'�tre aid� de la m�me mani�re que Landovice.
Il s'agit de la bourgade de Pirane qui regroupe pr�s de 800 �l�ves dans
trois �coles huit classes (de la grande maternelle � la 4�me). �ducation
sans fronti�res rel�ve alors le d�fi et s'engage � revenir avec des camions
au ventre bien rempli. Ce qui est fait lors d'un troisi�me voyage entre
le 4 et le 16 novembre 1999. Un 15 tonnes et un 3,5 tonnes conduit de
main de ma�tre par Annick elle m�me acheminent du mat�riel, mais la saison
ne se pr�te pas du tout aux travaux de r�novation. Rendez-vous est pris
pour les beaux jours afin d'acheminer le n�cessaire pour remettre en �tat
ces �coles qui ont �t� d�truites sciemment. Le quatri�me convoi � destination
de Landovice et Pirane s'effectue cette fois avec le concours de Daimler
Chrysler qui met � disposition de l'association un Sprinter de 3,5 tonnes.
" Apr�s les 5 000 km parcourus en 4 jours, du lundi soir au vendredi soir,
en passant toujours par l'Italie, la Gr�ce et la Mac�doine, nous sommes
arriv�s en juin avec du mat�riel scientifique de laboratoire, des r�troprojecteurs,
du gros mat�riel comme des panneaux de basket, du grillage pour entourer
les �coles et emp�cher que les moutons ne rentrent dans les classes, des
rouleaux de lino ou encore des couvertures de l'arm�e. Je suis contente
car peu � peu l'�cole de Pirane est en train de ressembler � celle de
Landovice, c'est � dire qu'elle est en passe de faire peau neuve ". Une
renaissance profitable aux enfants qui n'est jamais pourtant tout � fait
achev�e. Dans la t�te d'Annick germe encore mille id�es. Derni�res en
date : organiser le ramassage scolaire pour �viter aux petits bouts de
choux de marcher par tous les temps des kilom�tres durant pour rejoindre
leur �cole.
Hugues Demeude
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