Hugues Demeude Journaliste reporter, auteur-réalisateur


Gazette des Communes (12 novembre 2007)

Secours à personne : Vers un rapprochement entre Sdis et Samu

- Des dysfonctionnements existent entre les deux structures.
- Des initiatives innovantes, qui encouragent la mise en commun des moyens, sont déjà à l’œuvre dans les départements.

« Sauver le secours à personnes », tel est l’intitulé du Manifeste remis au président Sarkozy par les représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), en clôture de leur 114è congrès qui s’est tenu en septembre dernier à Clermont-Ferrand. D’abord perçu comme une déclaration de guerre par les représentants du Samu devant la forte médiatisation qui l’accompagnait, ce Manifeste aux 24 propositions a ensuite été salué par les autorités comme une tentative pour ouvrir le débat sur la modernisation du secours à personne. La FNSPF a du reste d’emblée souhaité se situer hors des conflits de structures, en plaçant la victime, comme l’indique le sous-titre du Manifeste, au centre des préoccupations. Lors de son allocution devant les représentants de la FNSPF, le Président Sarkozy a présenté des orientations qui fondent le socle d’une nouvelle politique publique en matière de secours à personne, caractérisée par un partage de compétence et de responsabilité entre les Services d’incendie et de secours (Sdis) et les Services d’aide médicale urgente (Samu). Un ou plusieurs départements vont être choisis pour expérimenter cette co-production dans l’organisation des secours. Mais d’ores et déjà, dans de nombreux départements, des bonnes pratiques et des initiatives innovantes oeuvrent localement à un renouveau dans les relations entre le 15 et le 18.

Réponse graduée. Parmi les départements où règnent une osmose entre Sdis et Samu, les Alpes-Maritimes font figure d’exemple. Loin des guerres de chapelle, les pompiers sont largement impliqués ici dans la médicalisation des secours à personne. Très bien structuré avec 226 membres, dont 102 médecins et 90 infirmiers, le service de santé des sapeurs-pompiers (3SM) réalise la moitié des interventions d’aide médicale urgente. Sept équipes de garde du service mobile d’urgence et de réanimation (Smur), situées sur la bande côtière, et sept équipes de garde sapeurs-pompiers, positionnés notamment dans l’arrière pays, assurent conjointement la couverture du territoire. Pour formaliser cette coopération entre Sdis et Samu dans le secours à personne, plusieurs conventions ont été établies, à l’instar de la convention de prestations de service signée avec le Smur de Nice, dont les trois équipes ne suffisent pas à couvrir tous les besoins, et qui rapporte au Sdis environ 1,5 million d’euros par an. Les deux entités se sont données les moyens d’être à égalité et de se forger une culture commune. Les atouts du Sdis sont bien reconnus par le Samu qui s’appuie en bonne intelligence sur l’ensemble de ses moyens secouristes, médicaux et paramédicaux.
Pour pallier au départ à la retraite de nombreux médecins urgentistes, les deux structures ont mis en place un système de réponse graduée comportant trois niveaux d’intervention : un secouriste bien formé ; un infirmier « protocolisé » capable, par exemple, de prendre en charge un arrêt cardiaque de l’adulte avec une intubation, et une équipe médicale, qu’elle soit Smur ou Sdis. « Dans un contexte de raréfaction des médecins, notre réponse a été d’organiser des gardes d’infirmiers urgentistes qui sont bien formés pour pratiquer 15 gestes précis sous protocoles validés par le Samu » souligne le colonel Barberis. « Ces infirmiers s’avèrent très utiles, surtout pour le Haut et le Moyen pays, qui sont frappés par la désertification médicale.» En 2006, les 73 infirmiers protocolisés ont réalisé 2 500 interventions dans les Alpes-Maritimes. Pour l’année 2007, les estimations sont de l’ordre de 3 100.

Télétransmission. Plusieurs départements en France font le même constat et adoptent la même réponse graduée, basée notamment sur une montée en puissance des infirmiers urgentistes dans le dispositif opérationnel. C’est le cas par exemple de la Haute-Vienne qui joue résolument la carte de la proximité pour réduire les délais d’interventions de secours à personne. Le lieutenant colonel Mathé, médecin chef du 3SM du Sdis 87 et ancien directeur adjoint du Samu de Limoges, va jusqu’à imaginer le secouriste de demain « équipé d’une caméra frontale grâce à laquelle il pourra transmettre aux médecins la situation de la victime ». Avec accord de l’Agence régionale d’hospitalisation (ARH), le département se lance du reste dans une expérimentation de télémédecine. L’objectif : équiper deux centres d’incendie et de secours, situés en zone blanche avec une couverture des équipes Smur à plus de 40 minutes, de Scop défibrillateur doté d’une carte pour la télétransmission de ses tracés éléctro-cardiographiques. « Les jeunes pompiers appartiennent à la génération des nouvelles technologies. Ils savent tous se servir d’un menu informatique » constate Daniel Mathé.

Egalité. C’est également dans le but avoué de tendre à une égalité des secours sur l’ensemble du territoire départemental que le Sdis 69 (Rhône) à renforcer son 3SM. Depuis juin, il compte 7 médecins professionnels et 70 médecins volontaires, 14 infirmiers professionnels et 140 infirmiers volontaires. Fort de son potentiel opérationnel, le Sdis s’est présenté comme un partenaire ayant de forts arguments à faire valoir face au Samu avec lequel ils viennent de créer la première équipe commune française de Secours médicale héliportable 15-18.
Composée à part égale entre médecins et infirmiers du Samu et médecins et infirmiers du Sdis, soit respectivement 24 et 36 intervenants pour un total de 60 personnes, cette équipe est donc armée conjointement par des membres des deux entités qui sont habillés dans la même tenue. « Lorsque le centre 15 a besoin de l’hélicoptère il le prend, et inversement si le Codis en a besoin, suite à un appel avec un niveau de gravité important, notamment pour un aspect médical, il l’engage aussi. Nous sommes à égalité » confie le colonel serge Delaigue, directeur du Sdis du Rhône.
Dans ce cas de figure, tout n’est pas régulé systématiquement. Le Sdis a pu faire valoir que ses acteurs connaissaient leur métier et qu’ils sont responsables de leurs actes. Les pourparlers ont été longs avant que le Samu n’accepte, tant il est vrai que la question de la régulation médicale est un point très sensible sur lequel les hospitaliers se montrent inflexibles. Nicolas Sarkozy leur a du reste donné raison en préambule à son discours lors du congrès de Clermont-Ferrand : « N’oublions pas que la régulation médicale (…) a permis d’améliorer de 30% le taux de survie et de diminuer les besoins de réanimation et les séquelles. La régulation médicale doit donc, sans doute, être améliorée, mais ne peut pas être remise en cause dans son principe ».

Régulation médicale. Parmi les départements qui créent des procédures innovantes pour améliorer la régulation médicale, qui souffre d’une saturation liée notamment aux appels relatifs à la permanence des soins, le Sdis et le Samu du Rhône viennent récemment de s’illustrer. Ils ont mis en poste, l’un au centre de traitement de l’alerte-Codis et l’autre au Centre 15, deux infirmiers chargés d’analyser et de se transmettre les bilans de l’ambulance pompier VSAV. Ce dispositif avec un infirmier au Samu qui reçoit les bilans émis par le VSAV fait partie des bonnes pratiques communes visant à améliorer la régulation médicale.

Pour le docteur Philippe Olivier, chef du pôle Samu, Smur, urgence adulte et réanimation au CHU Avignon, ce travail en  en commun entre le 15 et le 18 est une ligne de conduite de longue date : « Nous avons créé une plateforme de traitement de l’alerte 15-18-112 qui prend en compte tous les acteurs des secours et du soin : pompiers, Samu, ambulanciers et médecine libérale » analyse-t-il. Avec le lieutenant-colonel Georges Ringotte du Sdis du Vaucluse, ils ont du reste écrit officiellement au préfet pour lui demander de faire partie des départements expérimentateurs de la co-production dans l’organisation des secours. Et pour cause : non seulement le Vaucluse a été le premier département à utiliser un logiciel unique de traitement de l’alerte dans le cadre de sa plateforme unique, mais il est le seul dans lequel la régulation médicale est assurée à la fois par un médecin hospitalier et un médecin pompier ! « Ce système de plateforme partagée dotée d’un logiciel unique, avec deux médecins pour traiter les affaires, nous permet de réguler plus d’appels et de gagner un temps considérable. »

Temps réel. C’est également l’avis du docteur Claude Pougès, responsable du Samu 91 (Essonne), à l’initiative de la plateforme unique 15-18-112 dans le département, en fonction depuis juin 2206. Ce premier établissement de ce type en Ile de France fait maintenant partie de la petite dizaine de plateformes uniques départementales aujourd’hui réalisées en France. « Le fait de pouvoir échanger en temps réel des données informatiques, cartographiques, téléphoniques, radios, et également de se voir et s’entendre, cela permet de résoudre beaucoup plus facilement les difficultés » confie t-il. « Quand on est l’un à côté de l’autre, on peut plus facilement affronter les problèmes car on se comprend mieux ».


Hugues Demeude