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	  Couleurs Voyage (mai 1998) 
 La Norv�ge, l'�loge du naturel.
 
 
 
	Occupant la partie occidentale de la p�ninsule scandinave, le territoire 
        norv�gien s'�tire le long de la mer du nord et de l'oc�an Atlantique sur 
        pr�s de 2 200 km d'un littoral r�chauff� par le Gulf Stream. Long et �troit, 
        d�coup�s par des fjords entour�s de montagnes, la Norv�ge est un pays 
        de grands espaces dans lesquels s'�panouit une nature sauvage tout � fait 
        fabuleuse. Ses habitants, qui vivent dans un rapport de grande proximit� 
        avec cet �den vivifiant, pr�serve un art de vivre qui les fait �voluer 
        en bonne harmonie avec les richesses que leur prodigue cette nature g�n�reuse.
 
 17 mai 1998. Par un beau jour de printemps, un cort�ge ininterrompu de 
        personnes joyeuses, � l'unisson d'une m�me ferveur spontan�e, sillonne 
        les art�res de Oslo. Le drapeau national, repr�sentant une croix bleue 
        bord�e de blanc sur fond rouge, est brandi avec fiert� par la plupart 
        d'entre eux. Les sc�nes de liesse, comme partout ailleurs dans le pays, 
        rythment le d�fil� des enfants qui, fanfares en t�te, progresse sur l'avenue 
        principale Karl Johan menant au palais royal. La c�l�bration du 17 mai, 
        qui comm�more simultan�ment la d�claration d'ind�pendance du 17 mai 1814 
        marquant la dissolution de l'union avec le Danemark ainsi que l'adoption 
        d'une propre constitution, est une f�te nationale d'une grande importance 
        qui permet aux citoyens de se retrouver ensemble pour affirmer une identit� 
        commune au particularisme revendiqu�. Royaume mill�naire inaugur� et constitu� 
        par les Vikings, la Norv�ge, aujourd'hui forte de 4 millions et demi d'habitants, 
        est une monarchie constitutionnelle et une d�mocratie parlementaire ayant 
        Oslo pour capitale.
 Loin des visions du peintre Edvard Munch qui la repr�sentait souvent au 
        d�but du si�cle comme une ville lugubre, Oslo est au contraire tr�s vivante, 
        et ce pas seulement le 17 mai. C'est une cit� o� il fait bon vivre, d'abord 
        parce que le Gulf Stream et les vents d'ouest cr�ent des conditions climatiques 
        qui ne diff�rent gu�re de celles connues sur le continent, ensuite parce 
        qu'elle est dot�e d'une nature en tout point remarquable que lui conf�rent 
        � la fois le fjord au bord duquel elle est �difi�e et les collines bois�es 
        qui l'entourent. Habit�e par � peine 500 000 personnes, elle reste � taille 
        humaine, avec un centre compact qui permet d'atteindre tous les lieux 
        de r�jouissances sans �tre tributaire des transports. Et ces lieux ne 
        manquent pas ! Qu'ils soient culturels, avec les nombreux mus�es dont 
        disposent la ville, familiales, � la faveur des nombreux sites de sport 
        et loisir, ou festives, en prenant en compte la multitude de bars et de 
        discoth�ques, Oslo peut s'av�rer tout � fait tr�pidante pour qui veut 
        rentrer dans la danse. Ou qui peut... En effet, c'est une ville qui fait 
        partie des cinq plus ch�res au monde, ce qui impose de calculer son budget.
 Attach�e � son statut de plus ancienne capitale nordique, Oslo est donc 
        le phare m�ridional d'un pays compos� de 19 d�partements. Oblongue dans 
        sa forme, �tir�e sur 2 200 km de c�tes qui font face � la mer du Nord, 
        la Norv�ge a pour double caract�ristique g�ographique d'avoir un des territoires 
        les plus septentrionaux du globe, et d'�tre avec ses montagnes, ses vall�es, 
        ses fjords et ses �les, tout en reliefs.
 Tr�s ancienne d'un point de vue g�ologique, la Norv�ge est un jeune pays 
        qui s'est reconverti en quelques d�cennies seulement, et de fa�on d�cisive 
        au cours de la derni�re, pour faire �voluer son �conomie traditionnelle, 
        limit�e aux industries manufacturi�res de la p�che et au secteur agricole, 
        vers une �conomie moderne actionn�e par les services et les industries 
        de haute technologie li�es � l'exploitation du p�trole.
 Ce qui reste n�anmoins invariant dans l'�volution de cet attachant pays, 
        fortement marqu� par les particularit�s d'un littoral � la ligne de c�te 
        d�chiquet�e, aux eaux poissonneuses, et � l'�troite frange c�ti�re qui 
        a attir� dans l'histoire de la r�partition d�mographique de la Norv�ge 
        les 4/5 de la population, c'est qu'il continue de vivre, de se d�velopper 
        en se tournant vers la mer.
 
 Un pays d'�pop�es tourn� vers la mer
 " Regardez ! Depuis ce point de vue, c'est toute la Norv�ge en condens� 
        que l'on peut contempler : mer du Nord, nature verdoyante, fjords, �les, 
        collines et montagnes ! " s'exclame Vivit, femme tonique d'une quarantaine 
        d'ann�es dont nous avons fait la connaissance peu de temps avant qu'elle 
        nous propose de d�couvrir ensemble sa ville. Ce superbe panorama sur Stavanger, 
        c'est la tour de t�l�communication Ullandhaug qui le propose. " Il ne 
        faut pas oublier que c'est par Stavanger que la Norv�ge des fjords commence 
        ", semble s'enorgueillir Vivit. Les fjords, ces anciennes auges glaciaires 
        envahies par la mer, sont aujourd'hui l'embl�me d'un patrimoine national 
        fi�rement pr�serv�, comme pourrait l'�tre un bijou de famille � haute 
        valeur sentimentale. Et pour cause ! Les fjords ont dessin� de telle mani�re 
        la frange c�ti�re de la Norv�ge qu'elle ressemble � une broderie. Illustration 
        : si l'on met bout � bout tous les fjords de Norv�ge, on peut faire en 
        distance se rejoindre le p�le Nord et le p�le Sud. A Stavanger, il y a 
        au moins deux fjords qui justifient cette distinction dont s'honore la 
        ville. Long de quarante deux kilom�tres, le Lysefjord fait partie des 
        incontournables excursions pour qui est de passage dans cette r�gion. 
        Il d�voile dans toute son �tendue une nature g�n�reuse mise en valeur 
        par au moins cinq �l�ments : une eau �meraude qui remplit un volume consid�rable 
        ; une roche massive aux �-pics impressionnants ; une v�g�tation tr�s pr�sente 
        qui pousse � m�me la pierre ou dans les interstices cr��s par des failles 
        ; l'air qui est tr�s vivifiant ; enfin, la lumi�re qui r�veille soudain 
        tel ou tel �l�ment encore inaper�u. Le Hafrsfjord, quant � lui, est c�l�bre 
        non pas tant par la beaut� de son environnement mais surtout par l'importance 
        historique qu'il rev�t. " C'est sur les berges de ce fjord que les diff�rents 
        clans viking furent r�unis en 872 par Harald � la belle chevelure. C'est 
        � cet endroit que la Norv�ge fut rassembl�e pour la premi�re fois ! ", 
        nous apprend Vivit. Trois immenses �p�es de pierre enfonc�es dans le sol, 
        qui comm�more la victorieuse bataille ayant permis � Harald d'unifier 
        son royaume, rappelle aux habitants de Stavanger leur glorieuse ascendance. 
        Aujourd'hui n�anmoins, la quatri�me ville du royaume dirig� par sa majest� 
        le roi Harald et sa majest� la reine Sonja, n'attire pas les nombreux 
        �trangers qui r�sident en son sein � cause de ce haut fait historique. 
        Si la capitale du Rogaland est tellement attractive, c'est qu'elle est 
        devenue le principal centre p�trolier du pays. La Norv�ge, qui est en 
        effet l'un des premiers exportateurs de p�trole du monde et le plus important 
        fournisseur de gaz naturel du march� europ�en, a su tirer un profit consid�rable 
        de la d�couverte de gisements p�trolif�res sur toute l'�tendue de son 
        plateau continental. Avec les implantations sur son sol de la compagnie 
        p�troli�re nationale Statoil, de l'institut norv�gien du p�trole, et d'un 
        grand nombre de firmes �trang�res, Stavanger est pass�e du stade de belle 
        ville maritime r�put�e, pour son art de vivre et ses anciennes sardineries, 
        � celui d'une cit� cosmopolite vivante forte de cent mille habitants. 
        Le sort de Stavanger reste li� � la mer. " Apr�s l'�pop�e de la p�che 
        aux harengs qui a marqu� l'histoire de la cit�, puis celle des conserveries 
        de sardines au tournant du si�cle dernier, la mer a �t� d�cisive pour 
        la troisi�me fois dans l'essor de la ville. Le p�trole est un formidable 
        gisement d'emplois et d'activit�s " r�sume notre guide. Autour de son 
        port, le visage de cette vieille cit� a conserv� son charme d'antan. L'alignement 
        d'entrep�ts � pignons, mais aussi les 173 maisons de bois qui repr�sentent 
        le plus vaste ensemble architectural de ce type en Europe, ainsi que la 
        cath�drale b�tie en 1125 dans le style anglo-saxon, y participent grandement.
 
 La porte d'entr�e des fjords
 Apr�s avoir constitu� le seul moyen de liaison entre les diff�rentes villes 
        de la c�te, la mer demeure un axe de communication privil�gi�. Pour se 
        rendre � Bergen, l'ancienne capitale norv�gienne qui est aujourd'hui la 
        deuxi�me ville et le deuxi�me port du pays, la navette maritime est toute 
        indiqu�e. Durant les quatre heures de trajets, les paysages qui s'offrent 
        au regard sont tr�s vari�s : �les au relief de collines, rocailleuses 
        mais aux doux contours ; c�tes escarp�es couvertes de conif�res et de 
        feuillus ; rivages dont l'�-pic rocheux plonge dans la mer... A l'approche 
        de Bergen, deux �l�ments ressortent particuli�rement : sa topographie, 
        qui est caract�ris�e par sept collines sur lesquelles cette ville de 220 
        000 habitants s'est d�velopp�e ; ses quais, du moins sur une berge, qui 
        irradient sur le port � la faveur de ses maisons de bois aux couleurs 
        chatoyantes. De vieux quais en v�rit� puisqu'ils constituent l'h�ritage 
        des entrep�ts que les commer�ants germains de la Hanse avaient �tabli 
        alors qu'ils �taient devenus ma�tre des lieux du XIV�me si�cle au XVI�me 
        si�cle. Bergen s'est donc d�velopp�e autour de l'activit� maritime. " 
        Avant il �tait plus facile de prendre la mer pour aller en Angleterre 
        ou en France que de franchir les montagnes pour se rendre � Oslo ", nous 
        confie Toby, jeune norv�gienne qui a grandi, fait ses �tudes et trouv� 
        un travail � Bergen, et qui, comme tous les habitants, semble avoir une 
        grande affection pour cette cit� c�ti�re. On dit d'ailleurs souvent que 
        les Berguenois, ce qui leur est m�me reproch�, consid�rent leur ville 
        comme leur vraie patrie. " Je ne suis pas Norv�gien, je viens de Bergen 
        ", pourrait �tre une de leur formule, sans doute d�j� prononc� par leurs 
        anc�tres. A l'�poque o� la mer �tait pour beaucoup de citoyens la garantie 
        d'une source de revenus important. Le poisson arrivait du nord, le bl� 
        du sud, et une fois les affaires conclues, les bateaux �taient charg�s 
        avant de prendre la direction de l'Europe. Aujourd'hui, la mer continue 
        d'�tre une r�f�rence pour cette ville portuaire qui a su se parer de somptueux 
        atours aux fils des ann�es. M�me si la p�che et ses d�riv�s est un secteur 
        important, ce sont surtout le d�veloppement des plates-formes p�troli�res 
        d'une part, et le trafic des grandes routes maritimes de la mer du Nord, 
        qui continuent de faire de Bergen une ville phare. C'est par exemple de 
        son port que partent les navires de l'Express c�tier Hurtigruten. Ceux-ci 
        r�alisent un circuit de douze jours qui conduit ses participants au Cap 
        nord puis � Kirkenes, tout pr�s de la fronti�re avec la Russie, avant 
        de revenir � leur point de d�part. Une croisi�re qui � juste titre est 
        consid�r�e comme l'une des plus belles du monde. De ce fait, Bergen attire 
        de nombreux touristes qui combinent une halte plus ou moins prolong�e 
        dans la ville avec un long voyage ou alors avec des excursions dans les 
        fjords, qui sont tr�s nombreux dans la r�gion.
 
 En remontant la frange c�ti�re vers le nord, on atteint une tr�s belle 
        petite ville qui affiche elle aussi fi�rement ses traditions maritimes. 
        Alesund, qui a f�t� l'an pass� le cent cinquanti�me anniversaire de son 
        existence, a en effet pour armoiries un bateau de p�che dirig� par quatre 
        marins sous lequel nagent trois poissons. La ville, longtemps condamn�e 
        par ses deux puissantes rivales, Bergen au sud et Trondheim au nord, � 
        n'avoir qu'un r�le secondaire dans l'activit� portuaire, a pu se lib�rer 
        de cet �tau infructueux et se faisant elle est devenue le plus grand port 
        de p�che de Norv�ge. Mais curieusement, cet aspect de Alesund n'est pas 
        le premier que l'on retient en la visitant. Petite ville de 38 000 habitants, 
        elle a subi un incendie d�vastateur en 1904 qui a �t� le point de d�part 
        d'une reconstruction dans le style art nouveau international que l'on 
        ne retrouve nulle part ailleurs en Norv�ge. Semblant tout droit sorties 
        d'un conte m�di�val, certaines maisons richement color�es et d�cor�es 
        contribuent � donner un cachet tr�s particulier � la ville. Un charme 
        qui est rehauss� par sa disposition au sein de son milieu. Ville c�ti�re 
        aux allures d'archipel, elle est entour�e � la fois par la mer et par 
        de petites �les montagneuses aux formes �tranges. Des montagnes avec lesquels 
        tout habitant apprend � vivre, c'est � dire � respecter et m�me peut-�tre 
        encore pour certains � craindre. " Une l�gende populaire connue par chaque 
        enfant raconte qu'apr�s un mariage bien arros� entre trolls ( petits g�nies 
        difformes propres aux pays scandinaves), les convives ne purent regagner 
        leur demeure avant le lever du soleil, ce qui a eu pour r�sultat de les 
        transformer en pierre. Depuis lors, les montagnes dont les formes d�gagent 
        une curieuse impression sont consid�r�es comme des trolls statufi�s. Certaines 
        montagnes des environs de Alesund ont cette r�putation " nous raconte 
        Silje, une jeune femme native de cette ville. Elle ajoute : " Ce qui n'est 
        pas un conte, et ce que vous devez savoir en tant que fran�ais, c'est 
        que les diff�rentes �les qui constituent aujourd'hui notre espace urbain 
        �taient au IX�me si�cle le territoire d'origine du viking Rollon. Cela 
        ne vous dit rien ? Pourtant, c'est le chef viking qui, apr�s avoir �t� 
        banni par Harald � la belle chevelure, fit de grands raides sur la France, 
        et obtint l'administration de la Normandie dont il devint le premier comte 
        ".
 
 Une tradition mill�naire de p�che
 Si Alesund est devenue le premier port de p�che de la Norv�ge gr�ce � 
        la capture et au conditionnement de la morue, les �les Lofoten, situ�es 
        bien au dessus du cercle polaire entre les latitudes 67 et 68, revendiquent 
        la tradition de cette p�che particuli�re. Depuis 900 ans en effet, les 
        p�cheurs attendent chaque hiver le retour des morues qui arrivent de la 
        mer de Barents pour frayer dans le Vestfjord. A l'image de l'ensemble 
        des eaux sur laquelle la Norv�ge exerce sa souverainet�, qui comptent 
        parmi les plus poissonneuses du monde, les eaux des Lofoten ont toujours 
        �t� r�put� pour leur richesse halieutique. La vie de cet archipel, regroupant 
        six �les sur 170 km de long, et m�me d'une certaine mesure de la r�gion 
        enti�re puisque les p�cheurs venaient en nombre chaque hiver de tout le 
        Nord de la Norv�ge, s'est organis� autour de cette activit�. Une vie qui 
        �tait bien s�r rude et dangereuse pour les quelques 40 000 p�cheurs qui 
        venaient gagner leur vie de janvier � avril gr�ce aux ressources de la 
        mer. Aujourd'hui, il ne reste plus que 4 000 marins, mais � partir de 
        la ville principale Svolvaer tous les charmants petits villages, qui se 
        succ�dent de loin en loin sur les c�tes de ces �les, ont profond�ment 
        gard� l'empreinte de cette existence tourn�e vers la mer. Les cabanes 
        de p�cheurs appel�es rorbus, qui sont souvent propos�es en location aux 
        touristes, les chalutiers qui stationnent dans les petits ports, les constructions 
        en rondins de bois crois�es sur le bord des routes, qui sont destin�es 
        � permettre le s�chage de la morue au printemps, sont autant de fen�tres 
        sur la r�alit� d'un monde simple, beau et sans artifice.
 
 En longeant � nouveau les c�tes vers le nord, c'est � dire en s'immis�ant 
        dans des couloirs maritimes form�s par deux �les proches du littoral ou 
        bien par la proximit� d'une �le avec la ligne continentale du rivage, 
        on parvient en quelques heures d'Express c�tier � Tromso, consid�r�e comme 
        la capitale du nord de la Norv�ge. En fait, Tromso, cette ville tr�s festive 
        de 52 000 habitants qui a la particularit� d'avoir l'universit� et la 
        cath�drale les plus septentrionales du monde, a re�u plusieurs appellations 
        : 'le Paris du Nord' du fait de l'�l�gance de certaines de ses dames que 
        les voyageurs pouvaient d�couvrir au d�but du si�cle ; 'le plus grand 
        village de p�cheurs du monde' � cause du nombre important de navires qui 
        faisaient escale pour aller p�cher dans l'oc�an glacial arctique ; 'la 
        cit� arctique', notamment en vertu du d�veloppement d'un p�le de recherche 
        consacr� � l'�tude de tous les ph�nom�nes li�s au grand Nord, qui trouvent 
        une repr�sentation p�dagogique au tr�s int�ressant mus�e polaire r�cemment 
        cr�� ; 'la porte de l'Arctique' car c'est depuis Tromso que s'�lancent 
        toutes les exp�ditions polaires depuis plus d'un si�cle. C'est par exemple 
        depuis cette ville dont il �tait originaire que Elling Carlsen partit 
        faire en 1863, pour la premi�re fois, le tour des Spitzberg. Depuis, de 
        nombreux �trangers sont venus s'installer dans cette ville qui est sans 
        aucun doute la plus fantasque de toute la Norv�ge. " Cent vingt nationalit�s 
        sont repr�sent�es � l'universit� de Tromso " nous apprend Marie, qui est 
        venue d'Oslo pour travailler comme responsable au sein du comit� de tourisme. 
        Elle ajoute : " C'est une ville cosmopolite qui est ouverte de fa�on g�n�rale. 
        Vers la mer et le p�le bien s�r, mais aussi sur les �trangers et ce qui 
        n'a pas forc�ment toujours �t� le cas avec toutes les villes du Sud par 
        le pass�, c'est une cit� qui a ouvert ses portes aux Lapons. Ou plut�t 
        aux Sami, car comme vous le savez peut-�tre, 'lap' signifie 'petit morceau', 
        ce qui n'est pas tr�s gentil pour les repr�sentants de ce peuple dont 
        le royaume s'�tendait autrefois sur toutes les parties septentrionales 
        de la Norv�ge, Su�de, Finlande et Russie, et dont la culture traditionnelle 
        �tait intimement li�e � l'�levage de rennes. Tromso est �galement une 
        ville ouverte sur l'espace sid�ral et sa m�canique c�leste. A la faveur 
        de la nuit d'hiver, qui succ�de au soleil de minuit, de splendides aurores 
        bor�ales, quand on a la chance d'avoir toutes les conditions m�t�orologiques 
        r�unies pour les voir, �lectrisent le ciel en striant la vo�te c�leste 
        d'une teinte verd�tre qui tire quelquefois au pourpre et au violet. C'est 
        compl�tement magique.
 " L'�motion intense que procure ce ph�nom�ne lumineux caract�ristique 
        de la r�gion polaire peut �tre r�activ�e en faisant l'effort d'aller encore 
        plus nord, en atteignant le point le plus septentrional d'Europe : le 
        Cap Nord. Situ� sur la latitude 71, la derni�re majestueuse falaise s'avance 
        tel un promontoire dans la mer. Venue de sa lointaine Italie, Pietro Negri 
        �crivait d�j� en 1664 : " Me voici donc au Cap Nord, � l'extr�me pointe 
        du Finmark, au bout du monde. Ici, o� le monde finit, finit aussi ma curiosit�. 
        Je rentre combl� chez moi."
 
 Le royaume de la nature
 Parmi tous les atouts qui font de la Norv�ge une destination captivante, 
        le patrimoine naturel, immense et vari�, ravit immanquablement tous les 
        voyageurs en leur assurant des vacances inoubliables. C�tes cisel�es et 
        fjords profonds, montagnes majestueuses et for�ts omnipr�sentes habitent 
        des paysages sans cesse surprenants. La diversit� de cette nature g�n�reuse, 
        qui devient sublime � force d'exub�rance et de variations, est un tr�sor 
        que chaque Norv�gien ch�rit avec d�votion. L'essentiel n'�tant pas de 
        lui c�l�brer un culte b�at mais bien plut�t de nourrir un art de vivre 
        qui pr�suppose d'�voluer en bonne harmonie avec les richesses qu'elle 
        prodigue.
 
 " Ici, la nature est si parfaite ! "
 L'un des principaux signes distinctifs propre � cette nature se manifeste 
        dans l'�troite relation qui unit la mer et la montagne. Avec une frange 
        c�ti�re r�duite � sa portion congrue, la montagne semble ainsi tout juste 
        sortie des eaux de la mer sur la plus grande partie du littoral. Mais 
        plus encore, la proximit� de ces deux �l�ments est assur�e m�me loin � 
        l'int�rieur des terres � travers les c�l�bres fjords. Anciennes vall�es 
        glaciaires, ces ph�nom�nes naturels de toute beaut� sont les traces vivantes 
        des �pisodes g�ologiques qui ont contribu� � forger l'actuel territoire 
        norv�gien. L'�norme calotte glaciaire qui recouvrait la Scandinavie il 
        y a 30 000 ans s'est progressivement mise � fondre. Cons�quence de cette 
        fonte, des masses �paisses, charg�es de rocs et de sable, ont �t� lib�r�es 
        et se sont lentement �coul�es vers la mer. Elles ont creus� le relief, 
        racl� les vall�es, entaill� le sol tant et si bien que les vastes sillons 
        form�es par ses passages successifs sont devenues aujourd'hui des golfes 
        permettant aux eaux marines de s'enfoncer profond�ment � l'int�rieur des 
        terres. Ces bras marins, aux allures de longs lacs sinueux et alanguis 
        qui semblent sommeiller entre des parois rocheuses souvent � pic, peuvent 
        en effet p�n�trer jusqu'� 200 kilom�tres dans les terres, � l'instar du 
        Hardangerfjord et du Sognefjord. Dans ces conditions, toute la vie s'organise 
        autour d'eux. Beaucoup de petites villes par exemple ont �t� �difi�es 
        depuis l'�poque viking autour des fjords qui servent alors d'axes de communication, 
        notamment gr�ce aux tr�s nombreux bacs qui, d'une berge � l'autre, transportent 
        automobiles, autocars et autres camions. Partout �galement, des petits 
        chalets isol�s, nich�s sur les flancs des montagnes plongeant dans les 
        eaux profondes, et souvent accessibles uniquement par bateaux, servent 
        de r�sidences secondaires aux Norv�giens qui en sont friands. A tel point 
        que les r�gions travers�es par les grands fjords sont devenus pendant 
        les beaux jours le paradis des plaisanciers.
 
 La proximit� de la mer et de la montagne, qui est le trait caract�ristique 
        du relief norv�gien, donne lieu � des paysages vari�s d'une grande beaut�. 
        Parmi les itin�raires qui permettent d'appr�hender la grande vari�t� de 
        paysages qui peuvent se succ�der en quelques kilom�tres seulement, la 
        route des neiges qui relient les fjords Laerdal et Aurland dans la r�gion 
        Sogn of Fjordane, au coeur du pays, est tout � fait saisissante. Sur soixante 
        trois kilom�tres, elle offre la vision de mondes tellement changeants 
        qu'on les dirait appartenir � des pays diff�rents. Cela commence par une 
        mont�e qui s'effectue � travers le flanc d'une montagne bois�e par des 
        arbres aux esp�ces vari�es. Au fur et � mesure de l'ascension, la v�g�tation 
        qui �tait dense sur la premi�re partie s'amenuise. Les conif�res et les 
        esp�ces courantes de feuillus disparaissent, laissant le terrain � de 
        petits arbres robustes qui ressemblent � des bouleaux. Pr�sents en nombre, 
        ils disparaissent � leur tour pass� un certain niveau d'altitude. A ce 
        stade, la montagne n'a plus qu'un manteau o� coexistent buissons, grosses 
        pierres, mousses et touffes d'herbe grasse. Certains panoramas permettent 
        d'appr�cier la vall�e en contrebas qui appara�t envelopp�e dans un vert 
        soutenu. En poursuivant la route, les buissons et les mousses s'�vanouissent. 
        Le paysage qui se d�ploie alors sur de nombreux kilom�tres est totalement 
        lunaire. De grosses pierres recouvertes de lichens, qui semblent avoir 
        �t� �grain�es sur le sol par un quelconque titan, pars�ment une sorte 
        de d�sert min�ral tout juste rafra�chi par des �tendus d'eau, ici une 
        mare et l� un petit lac. Encore plus loin, juste avant de basculer de 
        l'autre c�t� de la montagne, en direction de Aurland et de Flam, l'environnement 
        se transforme � nouveau. Ressemblant � une image que l'on peut avoir de 
        l'Irlande ou des Shetland, il offre l'aspect de la peau r�p�e d'un manteau 
        mi v�g�tal mi rocailleux. Ceci en �t� bien s�r car les premiers froids 
        d'hiver venus, ce manteau blanchi � mesure que les neiges recouvrent la 
        route qui en prend l'appellation.
 Beaucoup d'autres endroits en Norv�ge offrent une telle vari�t� de paysages. 
        Les �les des Lofoten et des Vesteralen font parties de ces sites attachants 
        qui respirent la majest�. Constitu�es des plus anciennes roches du monde 
        qui ont fait de ces langues de terre une destination aujourd'hui particuli�rement 
        pris�e par les touristes, les montagnes, plus ou moins escarp�es, plus 
        arrondies que saillantes, semblent litt�ralement plonger ou s'extraire, 
        selon la perspective pour laquelle on pr�f�re opter, de la vaste �tendue 
        d'eau plane, parfois � peine rid�e par le vent, qui les entoure et les 
        isole du continent. La course des nuages, toujours en mouvement, donne 
        de la mati�re au ciel, en accentuant une dimension tant�t onirique et 
        fantastique, tant�t dramatique. A la faveur de la lumi�re que le soleil 
        distribue souvent de fa�on d�concertante, les nuages prennent une forme 
        et une consistance telles que l'on dirait qu'ils ont �t� plac�s � cet 
        endroit pr�cis de fa�on intentionnelle, pour �quilibrer le paysage et 
        lui donner un suppl�ment de vie. Quand le soleil est tr�s pr�sent, la 
        lumi�re qu'il diffuse permet de saisir avec nettet� les montagnes dans 
        tout leur �clat, leur dimension, et leur gravit�. Quand il est voil� par 
        les nuages, les montagnes semblent se camoufler derri�re leur silhouette 
        massive, et on ne s'attache plus alors qu'� appr�hender la courbe form�e 
        par la succession des arr�tes. De loin en loin, un village se d�ploie 
        sur le flanc de la montagne ou de la colline, � l'endroit m�me o� celle-ci 
        plonge dans la mer. Descendants d'un peuple de marins, les villageois 
        ont depuis longtemps livr� leurs destin�es aux al�as de la vie maritime. 
        Les maisons, bien souvent construites sur pilotis, sont comme des touches 
        de couleurs qui viennent renforcer ce sentiment �trange d'�voluer dans 
        un tableau patiemment confectionner par la toute puissante nature.
 
 A bien des �gards et � juste titre, la Norv�ge est souvent compar�e � 
        un �den aux particularit�s vivifiantes. Autant pour le corps que pour 
        l'esprit. C'est qu'ici, rien n'est comme ailleurs. R�gis Boyer, sp�cialiste 
        de la litt�rature et de la civilisation scandinaves, �voque cet aspect 
        dans l'introduction � la nouvelle �dition des romans du grand �crivain 
        norv�gien Knut Hamsun : " Il n'est pas n�cessaire d'avoir une grande imagination 
        lorsqu'on �volue parmi les fjelds et les fjords : le paysage en a pour 
        vous. Ses formes fantastiques, ses d�tours impensables, ses perspectives 
        d'aube des temps passent tour commentaire. Que ce soit en hiver ou en 
        �t� ". L'excellence de la lumi�re, qui transfigure toute chose, la qualit� 
        de l'air, qui fait de la respiration un v�ritable plaisir, ou bien encore 
        la fra�cheur tonique de l'eau pr�sente partout sous des formes vari�es 
        - eaux marines des fjords, eaux vives des torrents et des nombreuses cascades, 
        des lacs, des neiges et des glaciers - concourent � faciliter la restauration 
        des forces physiques et mentales, favorisent l'�quilibre intime, font 
        tout simplement se sentir bien.
 
 Se sentir en harmonie avec la nature
 " Il n'y a pas de mauvais temps, il n'y a que des mauvais v�tements " 
        sugg�re un dicton norv�gien tr�s fameux. Grandiose et majestueuse, la 
        nature est aussi exigeante et parfois capricieuse : les pluies r�p�titives 
        qui arrosent Bergen, les temp�tes qui peuvent s'abattre sur certaines 
        parties du littoral, la noirceur bleut�e de la longue nuit d'hiver qui, 
        pass� une certaine latitude, succ�de � la longue journ�e marqu�e, selon 
        l'expression de Bernard Clavel, par le 'soleil de nuit', ou encore la 
        rudesse des conditions climatiques de la toundra au nord du pays... La 
        nature est souvent excessive, mais les Norv�giens ont appris l'humilit�. 
        S'il vaut mieux changer ses d�sirs que l'ordre du monde, ils ont su se 
        transmettre un art de vivre en bonne harmonie avec leur milieu, un savoir-�tre 
        en accord avec leur environnement.
 " Pourquoi a t-on peint notre h�tel en rouge ? C'est tout simplement pour 
        l'harmonie avec la nature " me r�pond Ole, le jeune g�rant du seul h�tel 
        de Turtagro. Il ajoute : " Ici, nous sommes au coeur de la montagne, avec 
        24 pics accessibles de plus de 2 000 m d'altitude. Comme vous le voyait, 
        l'�t� nous sommes entour�s par le vert des versants, et l'hiver �videmment 
        par du blanc. Dans un cas comme dans l'autre, je trouve que le rouge se 
        marie bien. Dans le temps, les maisons avaient g�n�ralement une fa�ade 
        blanche parce que c'�tait le plus joli, le plus chic. Aujourd'hui, m�me 
        si le blanc et le jaune sont souvent employ�s, le rouge est la couleur 
        la plus courante ". La maison est un bon indicateur de ce rapport qu'entretient 
        les Norv�giens avec la nature. La plupart du temps, elle est construite 
        en furu, c'est � dire en pin. Tr�s solide, elle a pour propri�t�s essentielles 
        d'�tre vivante, de respirer, et de bien r�pondre aux al�as climatiques. 
        L'immensit� des for�ts norv�giennes et une remarquable connaissance du 
        bois ont en effet permis � la tradition populaire de faire reposer l'architecture 
        sur l'utilisation du bois. Les �glises en bois debout, dont il ne reste 
        malheureusement plus que 30 sp�cimens sur les 750 qui avaient �t� �difi�es 
        pour la plupart au XIIe si�cle, le vieux quartier de Stavanger, les quais 
        de Bergen, les rorbus, ou plus simplement les chalets de Lillehammer, 
        en sont de parfaites illustrations. Comme le dit l'adage, " maisons et 
        chalets, point de ch�teaux ". Le chalet est le point de d�part du loisir 
        le plus appr�ci� des Norv�giens : la randonn�e. A ski l'hiver, � pied 
        l'�t�, les randonn�es en montagnes ou en for�t sont un v�ritable rituel 
        familial qui t�moigne d'une qu�te irr�pressible de qualit� de vie.
 
 Afin de construire toutes ces maisons et tous ces chalets tant pris�s, 
        il est n�cessaire d'abattre une grande quantit� d'arbres. M�me si la for�t 
        norv�gienne s'�tend sur 12 millions d'hectares, soit 37% des terres du 
        pays, l'abattage annuel de bois repr�sente environ 50% de la croissance 
        annuelle brute de 20 millions de st�res. Une politique en mati�re de conservation 
        et d'utilisation durable des ressources foresti�res organise scrupuleusement 
        depuis quelques ann�es la gestion de la for�t. Tout comme le pr�voit une 
        strat�gie nationale pour une politique globale de l'environnement. Il 
        faut du reste se souvenir que l'ancien premier ministre Gro Harlem Brundtland, 
        qui a �t� la pr�sidente de la Commission pour l'environnement et le d�veloppement 
        des Nations unies, a jou� un r�le important pour am�liorer la coop�ration 
        internationale sur les questions environnementales. C'est elle notamment 
        qui a donn� de l'ampleur � la notion de d�veloppement durable, qui a �t� 
        ensuite repris comme th�me majeur de la conf�rence de Rio en 92. Rien 
        d'�tonnant serait on enclin � penser que l'�cologie soit une pr�occupation 
        nationale puisque la nature occupe une place pr�pond�rante dans l'identit� 
        norv�gienne.
 
 Une soci�t� � visage humain
 Dans une Saison en enfer, Arthur Rimbaud �crit " J'ai de mes anc�tres 
        gaulois l'oeil bleu blanc, la cervelle �troite, et la maladresse dans 
        la lutte. (...)D'eux, j'ai : l'idol�trie et l'amour du sacril�ge ; - oh 
        ! tous les vices, col�re, luxure, - magnifique, la luxure ; - surtout 
        mensonge et paresse ". Tout comme il est � esp�rer que peu de Fran�ais 
        se reconnaissent aujourd'hui dans cette identification rimbaldienne, peu 
        de Norv�giens �voquent avec fiert� leurs anc�tres Vikings. Ce n'est certes 
        pas un sujet tabou, mais plut�t la zone sombre d'une histoire qui semble 
        � mille lieux de leur organisation sociale actuelle. R�put�s sanguinaires, 
        violents et cruels, les Vikings, qui s'impos�rent du IXe si�cle � la moiti� 
        du XIe si�cle, �taient pourtant de remarquables commer�ants, des explorateurs 
        t�m�raires, et des administrateurs fort comp�tents. Mais l'�poque qui 
        revient plus volontiers en m�moire aux Norv�giens est post�rieure � l'�re 
        viking. Comme le souligne R�gis Boyer dans son introduction � la nouvelle 
        �dition des romans de Knut Hamsun : " Leur XIIIe si�cle, quelque cent 
        cinquante ans apr�s le ph�nom�ne viking, fut une �poque si heureuse, si 
        glorieuse, avec, notamment le prestigieux roi Hakon Hakonarson (ou Hakon 
        le vieux, 1217-1263) que la post�rit� - norv�gienne - a donn� � ce temps 
        l� le nom de storhestid, temps de la grandeur ". Peu apr�s, la Norv�ge 
        fut rattach�e au Danemark qui exer�a jusqu'en 1814 une h�g�monie sans 
        partage. R�gis Boyer le confirme : " Disons, pour faire bref, que ce pays 
        aura subi une danisation int�grale, politique et commerciale, bien entendu, 
        mais aussi intellectuelle : le norv�gien qui fut la prestigieuse langue 
        dans laquelle furent r�dig�s les eddas, sagas et po�mes scaldiques, est 
        syst�matiquement combattu, voire �radiqu�, pour �tre remplac� par une 
        langue qui est plus proche du danois et que les linguistes appellent d'ailleurs, 
        de nos jours, le dano-norv�gien (bokmal en norv�gien, jadis rigsmal) ". 
        La langue, ce ciment national qui fait l'�me d'un peuple, est une question 
        bien complexe pour ce jeune pays souverain seulement depuis 1905, c'est 
        � dire depuis la rupture de l'union form�e avec la Su�de qui pr�valait 
        depuis 1814. Deux langues sont apprises � l'�cole : le bokmal donc, qui 
        est la langue officielle, celle par laquelle le roi s'adresse par exemple 
        � ses sujets, et le nynorsk, qui est une langue parl�e plus particuli�rement 
        dans certaines r�gions. S'y ajoutent 364 dialectes qui correspondent � 
        autant de mani�res de parler ces langues dans les diff�rentes parties 
        du pays. L'existence des dialectes rappellent que jusqu'au XXe si�cle, 
        les Norv�giens, aujourd'hui unis dans un espace territorial bien am�nag� 
        (� noter le simple exemple des tr�s nombreux tunnels qui peuvent atteindre 
        jusqu'� quinze kilom�tres) et dans la conscience d'appartenir � un royaume 
        �clair�, formaient un peuple de p�cheurs et de paysans dispers�s. Un peuple 
        qui n'a jamais accouch� ni d'une aristocratie puissante, ni d'une bourgeoisie 
        urbaine solidement �tablie. Un peuple qui, � l'aube du troisi�me mill�naire, 
        continue paradoxalement de se repr�senter, malgr� la modernisation du 
        corps social et de l'appareil �tatique, malgr� l'enrichissement collectif 
        cons�cutif � la mutation de son �conomie, comme une soci�t� rurale profond�ment 
        enracin�e dans la nature.
 
 Le particularisme norv�gien
 Dans un essai intitul� Norsk utakt (" La Norv�ge � contre-temps "), le 
        sociologue allemand Hans Magnus Enzensberger �voque le particularisme 
        norv�gien : " Si la Norv�ge est aujourd'hui le plus grand mus�e folklorique 
        d'Europe, elle est en m�me temps un gigantesque laboratoire du futur ". 
        Un laboratoire qui a d�j� exp�riment� et permis de mettre en pratique 
        un certains nombre de formules qui ont de quoi rendre am�res les latins 
        les plus progressistes. La sp�cificit� norv�gienne pr�dominante r�side 
        dans une id�ologie �galitaire qui s'immisce dans tous les compartiments 
        de la vie en communaut�. Au premier rang desquels s'impose l'�galit� entre 
        les hommes et les femmes. La th�me de la parit� n'est pas un sujet de 
        d�bat dans ce pays car elle est depuis longtemps rentr�e dans les moeurs. 
        La Norv�ge f�t l'un des premiers pays en 1913 � donner aux femmes le droit 
        de vote. Depuis, la soci�t� n'a cess� d'�voluer positivement sur le chemin 
        d'une �galit� v�ritablement enracin�e entre les hommes et les femmes. 
        Celle-ci est m�me plut�t avantag�e : quand deux personnes du sexe oppos� 
        postulent pour le m�me poste et ont un niveau de comp�tence �quivalent, 
        c'est le femme qui d�croche le poste g�n�ralement. Dans ce contexte assez 
        unique de dialogue et de partage, qui fait passer les soci�t�s latines 
        pour des formes immatures d'organisation, les pr�occupations des enfants 
        ne sont pas oubli�es. Depuis 1981, un m�diateur est sp�cialement charg� 
        par le gouvernement de veiller aux int�r�ts des enfants et des adolescents. 
        Ceux qui veulent lui adresser une requ�te particuli�re ou lui faire part 
        de besoins sp�cifiques peuvent le contacter directement et en toute simplicit� 
        par t�l�phone. Un minist�re de l'enfance et des affaires familiales a 
        du reste �t� sp�cialement mis en place afin de veiller sur les droits 
        des citoyens les plus jeunes, et leur garantir un environnement quotidien 
        sans risque.
 
 Contrairement � un pays comme la France par exemple, fortement marqu�e 
        par ses traditions jacobines, la Norv�ge nourrie une aversion �pidermique 
        envers la centralisation. Le d�bat sur l'adh�sion � l'Union europ�enne, 
        qui fut le d�bat public majeur du d�but des ann�es 90 et se solda en 1996 
        pour la deuxi�me fois par un vote n�gatif, manifeste pour une part cette 
        m�fiance contre des instances r�gulatrices sans visage. D'une fa�on g�n�rale, 
        le syst�me d'organisation propre � la Norv�ge, qu'il s'agisse des entreprises 
        ou des pouvoirs publics, est transversal. Ainsi, dans les entreprises, 
        l'autorit� hi�rarchique n'a pas cours : le tutoiement est souvent de rigueur, 
        la prise de d�cisions se fait souvent en commun, le respect du travailleur 
        est garanti. Sont-elles pour autant moins comp�titives que leurs consoeurs 
        du sud de l'Europe ? Bien s�r que non. Quant � l'organisation des pouvoirs 
        publics, il faut signaler que la Norv�ge vit depuis plus de 160 ans sous 
        un r�gime de d�mocratie locale. Comme toujours, il convient de rester 
        simple et proche des r�alit�s du terrain. Le roi lui m�me montre volontiers 
        l'exemple quand il prend juste un bus pour se rendre sur les pistes de 
        ski de Lillehammer...
 L'�galit� est aussi synonyme de justice sociale. Le syst�me de s�curit� 
        sociale, sans doute l'un des plus abouti au monde, est au coeur des pr�occupations 
        de l'Etat. La distribution des richesses, l'aide mat�rielle aux plus d�munis, 
        l'acc�s aux infrastructures de soin, le soutien financier aux jeunes �tudiants, 
        ou m�me l'accueil des immigrants, sont des facettes d'un concept dont 
        la Norv�ge s'est faite la promotrice : l'intelligence sociale. Une intelligence 
        prenant appui sur des actions, men�es d�s la prime enfance dans le champ 
        de l'�ducation, qui ont pour vecteur la responsabilisation des individus.
 
 L'art d'�tre naturel
 L'attachement national et le sentiment d'appartenance � une culture aux 
        particularismes prononc�s se refl�tent dans un sens aigu de la communaut�. 
        Tr�s organis�s, les Norv�giens forment un peuple qui ne badine pas avec 
        l'ordre public. " La libert� de l'autre �tend la mienne � l'infini " disait 
        le philosophe russe Bakounine. Une immersion dans le quotidien norv�gien 
        permet de bien saisir cette maxime. La r�glementation s�v�re de la limitation 
        de vitesse, l'interdiction absolue d'absorber de l'alcool avant de prendre 
        le volant sous peine d'incarc�ration imm�diate, l'ordonnancement m�ticuleuse 
        des v�hicules dans les bacs pour automobiles, le respect des rangs successifs 
        dans les files d'attente, et plus g�n�ralement de la politesse, sont autant 
        de signes distinctifs d'une vie en communaut� bien ordonn�e. Ordonn�e 
        et non pas polic�e, car il suffit d'un �v�nement particulier pour que 
        ce respect ordinaire, qui peut faire passer les Norv�giens pour des individus 
        timides voire d�bonnaires, se transforme en une adh�sion franche et spontan�e 
        � la communaut�, qui fait ressortir le trait saillant de leur personnalit� 
        : un naturel dont la simplicit� est criante de v�rit�.
 Les f�tes sont de bons catalyseurs et de bons r�v�lateurs de cette nature. 
        Celle du 17 mai bien s�r, qui doit �tre la seule f�te nationale au monde 
        � faire d�filer les enfants plut�t que les cohortes militaires, ou bien 
        celles qui sont li�es � l'histoire d'une r�gion. Par exemple, apr�s la 
        r�union qui a rassembl� cet �t� de nombreux bateaux dans le Trollfjord, 
        afin de comm�morer une c�l�bre bataille qui a vu s'affronter au si�cle 
        dernier des p�cheurs utilisant des navires � voile � leurs homologues 
        se servant de chalutiers � moteur, des milliers de personnes se sont retrouv�es 
        pour c�l�brer ensemble cette manifestation. Chacune des embarcations qui 
        regagnait le petit port du village pr�s de Svolvaer, dans les Lofoten, 
        fut accueillie en �tant salu�e par des salves de hourra. L'all�gresse 
        populaire �tait � son comble. D'autres r�jouissances encore permettent 
        de mesurer le plaisir que les Norv�giens prennent � �tre ensemble. Chaque 
        fin de semaine en effet, avec une constance sans faille, les bars, pubs 
        et autres discoth�ques de chaque ville se remplissent jusqu'� l'exc�s. 
        Tous les �ges et toutes les couches de la population se retrouvent r�unis 
        pour partager un m�me go�t de la f�te. C'est litt�ralement saisissant. 
        Une grande consommation de bi�re rend imm�diatement l'atmosph�re �lectrique, 
        dans le bon sens du terme, c'est � dire joyeuse, d�brid�e et chaleureuse. 
        La spontan�it� sans appr�t efface la mesure affich�e durant toute la semaine. 
        Le naturel cordial et g�n�reux dans la d�pense de soi s'exprime en toute 
        libert�. Si La Rochefoucauld pensait que " rien n'emp�che tant d'�tre 
        naturel que l'envie de le para�tre ", les Norv�giens lui r�pondent qu'ici 
        tout invite � �tre naturel en n'ayant pas � en faire �tat.
 
 Hugues Demeude
 
                   
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