Hugues Demeude Journaliste reporter, auteur-réalisateur


Corbis-sygma (Présentation du dossier, juillet 2001)

Grands Crus Classés du Bordelais,
LES EGERIES DE LA QUINTESSENCE.


Prêtresses toute dévouées au culte de leur nectar, mères attentives qui à chaque millésime redouble de soins, les femmes dans le Bordelais sont de plus en plus nombreuses à marquer de leur empreinte l'élaboration des vins de la famille des Grands Crus Classés. Elles ont pour la plupart reçu en héritage de ravissants châteaux mais sont loin de mener la vie insouciante qu'on associe volontiers à ces grandes demeures. Le premier trait commun à toutes ces femmes propriétaires de vignobles prestigieux est sans aucun doute leur engagement effréné. La vie de château n'a pour elles d'autre sens que de s'habituer au travail sans relâche que nécessitent la préparation, l'élaboration et la promotion d'un vin de très bonne facture. Une vie d'autant plus intense qu'elles multiplient les fonctions : mère de famille, maîtresse de maison, chef d'entreprise, viticultrice, œnologue, responsable du marketing et de la vente à l'étranger.

A en croire nombre de ces femmes qui se sont fait un nom après avoir repris la tête de domaines hier encore monopolisés par les hommes, l'organisation minutieuse dont il a fallu faire preuve est une des clés de leur réussite. Selon elles, les femmes rentrent davantage dans le détail, sont plus méticuleuses et ordonnées que les hommes. Or ces quinze dernières années, la nouvelle approche qui a prévalu dans les propriétés de renom, à savoir atteindre en toute connaissance de cause la plus grande qualité de vin possible, a permis aux viticultrices de donner la pleine mesure de leurs compétences. Les femmes se sont en effet très bien adaptées à cette nouvelle démarche pointilleuse qui s'attache à trouver la perfection à chaque étape de l'élaboration du vin. Conséquence, les propriétés viticoles ont changé de visage. Quelques exemples : les vignes sont aujourd'hui l'objet de tailles très rigoureuses, réclamant un entretien constant ; les chais sont des modèles de propreté et d'ordonnancement alors que leur sol dans un passé récent n'était fait que de terre battue ; au moment des vendanges, un soin vigilant est apporté au tri des raisins, sélection souvent dévolue aux femmes pour leur méticulosité…

Au delà de cet art très féminin de rechercher l'excellence dans le détail, une puissante motivation qui les fait se singulariser semble réunir chacune de ces châtelaines vigneronnes. Elles entretiennent toutes en effet une relation passionnelle avec leur terroir. Certaines d'entre elles reconnaissent même déceler dans cette affection immodérée un aspect maternel. S'imprégner des spécificités de son terroir, comprendre intimement les particularités de son vignoble, sont les conditions préalables à la réalisation d'un vin de caractère. Elles sont très sensibles à cette dimension d'un vin qui restitue par sa personnalité les qualités du sol qui l'a vu s'épanouir. Tous les efforts consentis aussi bien dans le travail de la vigne que dans celui de la vinification reviennent donc à accomplir une mission : optimiser leur terroir. Elles donnent alors naissance à un vin riche d'expressions, à l'identité forte, bien structuré et plein d'arômes. Pour le goûter et l'apprécier, ces pionnières d'un nouvel âge du vin s'en remettent à leur talent de dégustatrice jugé par certaines d'entre elles plus fiable et apte à percevoir une plus grande sophistication que celui de leurs homologues masculins. L'importante représentation des femmes dans l'œnologie aujourd'hui est-elle peut-être une confirmation de cette supériorité d'aptitude…

(La suite communiquée sur demande)

Hugues Demeude