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Biovillages : le modèle d'un développement durable made in India.
Cinquante ans après son indépendance, l'Inde est à même de présenter un
bilan de son développement remarquable à bien des égards. Cohésion nationale
renforcée, autosuffisance alimentaire (d'un point de vue comptable) assurée,
taux d'alphabétisation en nette croissance, ou encore envol des technologies
civiles et militaires, sont autant de défis qui ont été énergiquement
relevés par cette nation qui atteindra sous peu le milliard d'habitants
et sera en 2020 la plus peuplée du monde. Néanmoins, l'essor de ce mystérieux
pays, où plus de 70 % de la population vit dans les campagnes, s'accompagne
de phénomènes préoccupants : d'ordre économique, avec l'extension de mégalopoles
sous la pression d'un important exode rural, qui s'explique par la grande
précarité de vie des paysans sans terre; d'ordre social avec l'injustice
envers les femmes qui sont socialement soumises et trop souvent mises
à l'index ; d'ordre écologique enfin à travers la dégradation des écosystèmes
par suite notamment d'une gestion non viable des terres.
A Madras, ville phare de l'Inde du sud, une fondation, dirigée par le
célèbre agronome indien M. S. Swaminathan, a établi un programme de développement
rural qui a la vocation d'enrayer ces problèmes en proposant un modèle
par lequel convergent valorisation de la nature, lutte contre la paupérisation
des ruraux et défense des droits de la femme. Ce modèle, appelé 'biovillage',
fait la promotion d'un développement humain durable qui permette aux nombreux
hommes sans terre et femmes sans ressources de générer des revenus sur
la base d'emplois écologiquement profitables.
Le programme des biovillages, lancé à titre expérimental dès 1991 dans
certains villages des environs de Pondichéry, s'est avéré concluant pour
leurs habitants. A travers un transfert de technologies appropriées, ces
derniers ont ainsi pu produire des champignons à partir d'un système ingénieux
et lucratif, du compost - 'l'or noir' qui peut rapporter jusqu'à 25 000
roupies par an à un petit fermier -, des légumes hybrides très nutritifs,
du poisson dans des bassins spécialement mis en valeur ou encore des fleurs
très recherchées et de la soie. Les paysans aux petites parcelles de terre,
qui ont adhéré au programme, ont remplacé les engrais chimiques par des
engrais biologiques et les semences traditionnelles de riz par un riz
hybride résistant et à meilleur rendement. Leurs ressources s'en sont
trouvées améliorées d'autant, qu'il s'agisse de la récolte ou de leur
terre. M.S. Swaminathan estime qu'un développement à long terme ne peut
se concevoir sans intégrer dans son approche sur le terrain le souci écologique,
le rendement économique et l'équité sociale. En reconnaissance des actions
qu'elle mène pour promouvoir une telle politique en Inde, la fondation
Swaminathan a reçu en juin dernier le fameux prix 'Blue Planet' qui récompense
tous les ans depuis la conférence de Rio les initiatives majeures conduites
en matière de développement durable.
Hugues Demeude
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